.SAMEDI PROCHAIN, le
Stade de France accueil-
lera une finale de rêve
entre les deux équipes francaises qui suscitent le
plus de passion. La rivalité entre Paris
et Marseille date dune quinzaine
dannées. Depuis, lhistoire des deux
meilleurs ennemis du football fran-
çais est jalonnée de matchs heurtés,
de petites phrases assassines et de
bagarres entre supporters.
Le dernier incident remonte au
5 mars. Se sentant lésé par le faible
nombre de places réservées à ses
supporters et arguant que toutes les
mesures de sécurité nétaient pas res-
pectées, lOM a envoyé son équipe ré-
serve pour disputer le match de la
29e journée de championnat. A lis-
sue de lune des rencontres les plus
pitoyables de lhistoire de la Ligue 1,
le Conseil national de léthique dé-
cide de retirer un point au classement
à chaque équipe. La mascarade sest
terminée en peau de boudin mercredi,
puisque la commission dappel de la
Fédération a réattribué aux deux
clubs les points perdus.
a ce jour cest le dernier chapitre, pas le moins
ridicule, de la tumultueuse histoire
entre Paris et Marseille.....
Et si cétait le dernier ? La finale de la
Coupe de France est loccasion pour
les deux clubs denterrer une bonne
fois pour toutes la hache de guerre.
Pour les dirigeants du football, sou-
vent critiqués, cest le moment de
faire preuve daplomb et dautorité.
Utopique ? Peut-être pas. Sur le plan
sportif, vu létat de forme des deux
équipes, ce PSG - OM pourrait être
lun des plus agréables de lhistoire.
Tout le monde a intérêt à faire de ce
sommet une très grande fête.
Dès hier, les dirigeants et les
joueurs des deux clubs ont lancé
dune même voix un appel au calme
et à la responsabilité. Un comporte-
ment louable, mais qui pourrait ne
pas trouver un énorme écho auprès
des supporters les plus radicaux, sou-
vent porteurs dune idéologie totale-
ment opposée aux valeurs du sport.
Depuis quelques années les diri-
geants des deux clubs travaillent de
concert pour assurer un maximum
de sécurité pour les matchs au Parc
des Princes ou au Vélodrome. Deux
mille policiers étant mobilisés pour
chaque confrontation entre lOM et le
PSG, les face-à-face entre bandes ri-
vales sont devenus quasiment impos-
sibles. Mais la rancoeur est tenace et
les fanatiques profitent de la moindre
faille pour en découdre.
Au Stade de France, les conditions
de sécurité ne sont pas maximales.
Depuis son inauguration en 1998, ja-
mais lenceinte de Saint-Denis na ac-
cueilli une rencontre aussi explosive.
Les motifs dinquiétude sont nom-
breux et réels
Comment empêcherles 18 000 supporters officiels de
chaque camp de se croiser ? comment canaliser lesMarseillais
qui debarqueront gare de Lyon ? Comment
être sûr que Marseillais et Parisiens
ne seront pas disséminés un peu par-
tout dans le stade après avoir acheté
leurs places sur Internet ? Comment,
enfin, éviter les règlements de
comptes entre bandes rivales du
même bord ?Depuis le début de lan-
née, un inextricable conflit oppose
deux associations de supporters
parisiens. Moins surveillés quau Parc, ils
pourraient profiter de leur déplace-
ment en Seine-Saint-Denis pour ré-
gler leurs comptes, comme ce fut le
cas en 2003, lors de la finale PSG -
Auxerre.
Lexpérience devrait être utile aux
forces de lordre, qui ont droit ce soir à
une petite répétition avec la finale de
la Coupe de la Ligue entre Nancy et
Nice. Jeudi soir, juste après la victoire
du PSG à Nantes, Frédéric Thiriez,
président de la Ligue, jurait le coeur
sur la main quil navait aucune in-
quiétude pour la finale. Pourquoi ne
pas le croire ? Les amoureux du foot-
ball et du sport méritent une grande
fête. Le PSG et lOM aussi.
...
.Environ 4 000 policiers mobilises
FORMIDABLE affiche sur le terrain, cette finale sannonce aussi comme un véritable
casse-tête au niveau de la sécurité des suppor-
ters. Conscients de lextrême tension qui règnera
autour de cette rencontre, les pouvoirs publics et
les deux clubs ont pris les devants : pendant près
de deux heures et demie hier, des représentants
de lOM et du PSG, des forces de lordre, du
consortium du Stade de France, de la ville de
Saint-Denis, et même de la Croix-Rouge ont étu-
dié ensemble cette délicate question à la préfec-
ture de Bobigny.
Chaque club disposera de 18 000 billets pour
ses supporters ce qui rend réels les risques daf-
frontements. La mobilisation policière sera im-
portante (environ 4 000 policiers).
« Constructive », la réunion dhier na néan-
moins pas résolu toutes les interrogations. « Le
gros problème demeure la question de la gestion
des supporters marseillais une fois quils seront
arrivés à Paris », confie un participant. « Il est en-
core difficile de rentrer dans les détails du dispo-
sitif car on ne connaît toujours pas les modalités
pratiques darrivée des supporters marseillais »,
confirme Jean-François Démarais, directeur ad-
joint à la sous-direction de lordre public.
L’horaire du match
ne sera pas avance
concrétement :
les fans de lOM arriveront en
gare de Lyon par des trains affrétés par le club. La
rencontre dhier na pas permis de déterminer de
quelle manière ils seront ensuite acheminés vers
le stade. « La préfecture veut que les supporters
des deux clubs se croisent le moins possible, no-
tamment dans les transports en commun et aux
abords du stade. Un système de navette est envi-
sagé. »Une chose est sûre : lhoraire du match ne
sera pas modifié. La rencontre ne sera pas avan-
cée dans laprès-midi comme cela avait été le cas
lors du dernier affrontement PSG - OMet se dé-
roulera bien à 20 h 45. Chaque club a en outre
prévu daugmenter sensiblement le nombre de
ses stewards pour encadrer les supporters.
Quant aux éventuels fauteurs de troubles placés
en garde à vue, les consignes seront de les juger
aumaximumselon la procédure de la comparu-
tion immédiate.
L’appel au calme des presidents et des joueurs :
les acteurs veulent calmer le jeu afin que
cette rencontre inédite se déroule
dans un bon esprit. « Nous souhai-
tons que cette affiche ne soit plus
traitée à la rubrique faits divers, et
quon en vienne à un esprit plus pa-
cifique, a expliqué hier Pape Diouf,
le président de lOM. Il faut appeler
tout le monde à la raison, à lesprit
sportif, pour que le foot reste un jeu.
Leffervescence malsaine ayant par-
fois gouverné ces rencontres doit dis-
paraître. Le débat ne demande quà
sassagir. Notre propos nest pas de le
passionner un peu plus. On ne va
pas à Paris pour y mener une guerre,
mais pour jouer une finale. »
Après la dernière polémique — lors
de la 29e journée de L 1, lOM avait
envoyé une équipe réserve à Paris et
demandé à ses supporters de rester à
Marseille — Jean Fernandez, len-
traîneur marseillais, se veut opti-
miste : « Avec ce précédent qui a
laissé des traces négatives sur le foot-
ball, les médias et les supporters, il
faut en tirer des leçons. Chacun doit
y mettre du sien pour que ce match
soit une grande fête. Tout va bien se
passer dans les tribunes, cest ce que
jespère en tous les cas. » « Je reste
confiant que, pour une fois, on
puisse se projeter dans un OM-PSG
sans risque majeur de dérapage »,
ajoute Diouf.
Côté parisien après les premiers
mots du président Blayau jeudi soir à
Nantes (« Joueurs et dirigeants, on a
une revanche à prendre. Mais arrê-
tons de dramatiser, je suis sûr que
tout se passera bien. Alain Cayzac,
le futur patron du club confirme :
« Cest un match formidable. Alors,
oublions tout le reste. Je lance un ap-
pel à la raison, pour que ce soit une
grande fête et une grande joie. Il faut
être raisonnable. »
Pour les joueurs, cette finale doit
être synonyme de fête et non de
guerre entre supporters. « Le mes-
sage, cest pas de violence, glisse le
Parisien Fabrice Pancrate. Il faut que
les deux camps abordent cette finale
comme il se doit, que ce soit une
grande fête, à limage du rugby. Quil
ny ait pas dincidents et que les deux
kops se respectent. Cest une finale
qui va marquer les esprits. Et elle
sera dautant plus belle si les suppor-
ters se contentent de chanter et de
soutenir leur équipe. » Les joueurs
marseillais prêchent eux aussi la sa-
gesse. « Jespère que toutes les me-
sures seront prises pour quil ny ait
aucun problème. La fête ne peut être
belle que sil ny a pas dincident sur,
comme en dehors du terrain »
insiste Habib Beye. Frédéric Déhu, au-
trefois la cible des quolibets des sup-
porters du PSG, veut que le calme
soit aussi présent sur la pelouse : « Il
faut que tout le monde soit
conscient que ce nest quun match
de foot. Sur le terrain, nous ferons
tout pour que ça se passe bien. Car,
souvent, les incidents des tribunes
répondent à ceux du terrain. »
7 questions cles autour d’un match a hauts risques :
1 - Faut-il craindre des echauffourées entre les jeunes de banlieue ?
Le Stade de France étant situé à pro-
ximité de quartiers sensibles —
théâtre des émeutes doctobre der-
nier —, les services de police nex-
cluent pas déventuelles violences
aux abords de lenceinte de Saint-
Denis (agressions de spectateurs, ba-
garres entre bandes…). Afin déviter
tout débordement, plusieurs quar-
tiers de Seine-Saint-Denis et du Val-
dOise seront placés sous surveil-
lance. Par ailleurs, les patrouilles de
la police des transports (police de
lair et des frontières) seront renfor-
cées sur les lignes RER B et D des-
servant Saint-Denis.
2- Comment assurer la sécurité a l'intérieur du stade ?
Pour éviter le choc entre supporters
du PSG et de lOM, ceux-ci seront
installés dans les virages situés aux
deux extrémités du stade. Ces sec-
teurs devraient être isolés du reste du
public par des cloisons en Plexiglas.
Plus dune centaine de stadiers assu-
reront par ailleurs la sécurité à linté-
rieur de lenceinte.
Enfin, pour éviter tout envahisse-
ment de la pelouse par des suppor-
ters — comme cela avait par
exemple été le cas lors de France -
Algérie le 6 octobre 2001 —, des
barrières dune hauteur conséquente
devraient être mises en place.
3- Comment eviter des débordements a l'extérieur du stade ?
En premier lieu, un vaste périmètre
sera créé aux abords du stade.On ne
pourra y pénétrer que muni dun bil-
let. Une centaine de policiers seront
présents, tant à lextérieur quà linté-
rieur de ce secteur. Pour éviter tout
heurt entre supporters parisiens et
marseillais, les spectateurs venus de
Marseille à bord de trains spéciale-
ment affrétés seront conduits en bus
au stade et dirigés vers des accès sé-
curisés leur permettant dentrer dans
le stade. Enfin, plusieurs points
chauds de la capitale, comme les
gares ou les Champs-Elysées, seront
placés sous surveillance. Près de
4 000 policiers et gendarmes de-
vraient être mobilisés. Un dispositif
presque aussi important que celui
mis en place pour les nuits de la
Saint-Sylvestre.
4- la vente des billets au public ?
La vente au grand public (quatre par
personne au maximum), qui avait
débuté le 13 avril, est déjà close.
« Cest parti en une semaine, in-
dique-t-on au service billetterie de la
Fédération française. Les places ven-
dues (55, 80 et 100 ) étaient dans
des zones neutres. » Il reste désor-
mais aux deux clubs finalistes à
commercialiser les quotas de billets
(18 000 chacun) à destination de
leurs groupes de supporters.Du côté
marseillais, on attend 25 000 sup-
porters. Ceux qui auront acheté des
billets individuellement auront pour
consigne de rejoindre les groupes de
supporters officiels de lOM.
5- les relations entre les deux clubs ?
Tumultueuses depuis 1991 et larri-
vée de Canal + au PSG. Sous les pré-
sidences Denisot et Tapie, le climat
se révèle vite délétère et les matchs
sont le théâtre de débats musclés sur
et en dehors du terrain. Les joueurs
des deux équipes ne se ménagent
pas et les supporters saffrontent par-
fois violemment. Cette saison, la ri-
valité a repris de plus belle avec laf-
faire de lammoniac dans le vestiaire
parisien au match aller et celle des
billets réservés aux supporters pari-
siens au retour aboutissant à une pa-
rodie de football au Parc des Princes
entre le PSG et la réserve de lOM.A
la suite de ces derniers incidents, les
dirigeants des deux clubs sont sous
le coup dune suspension de trois
mois de toutes fonctions officielles.
6-Les supporters marseillais et parisiens vont-ils s'affronter ?
La rivalité entre les deux clubs a vite
débordé du cadre sportif. On ne
compte plus les bagarres, les bus de
la RATP dévastés, les cars des
joueurs caillassés et les jets de fumi-
gènes et de sièges dans les tribunes.
Quen sera-t-il au Stade de France ?
« On a lépée de Damoclès au-des-
sus de notre tête, affirme Rachid Zé-
roual, le vice-président des South
Winners (principal groupe dultras
marseillais),mais interdit de stade. Je
crains le pire dans les tribunes laté-
rales où on sera près des Parisiens.
7- La rivalitée entre les supporters parisiens peut-elle reprendre ?
Le conflit entre les deux groupes de
supporters du PSG (Tigris Mystic
dAuteuil et Boulogne Boys) perdure
depuis bientôt trois ans. Comme
en 2004, lors de la dernière finale du
PSG au Stade de France, les deux
groupes rivaux seront séparés (Boys
en tribune inférieure et Tigris en tri-
bune supérieure). « Ça va être un sa-
cré bazar, estime le porte-parole des
Tigris, qui craint davantage des inci-
dents aux abords du stade. On va es-
sayer dêtre escortés. Nous, on vien-
dra avec le souci déviter tout
affrontement. » Réponse de lun des
porte-parole des Indépendants : « Le
conflit nest pas terminé et, avec la
présence des Marseillais, le cocktail
risque dêtre explosif. »
le parisien du 22.04.06